1907 Batailles dans le Midi

Création 2007 de Philippe Chuyen

En ce 9 juin 1907, Marcelin Albert exulte…

Lui le simple vigneron, contemple les 800 000 personnes qui à son appel se sont rassemblées dans les rues de Montpellier. Le même jour, ils sont 8000 qui défilent à Brignoles. Du Var au Pyrénées, c’est tout le Midi viticole qui clame sa misère. Mais Clémenceau n’en a cure et pour lui le nombre ne fait pas la loi. Alors, la plainte va se muer en colère et l’euphorie des grandes journées cèdera la place aux larmes.

Présentation du spectacle

À l’occasion du centenaire des événements viticoles de 1907 dans le Midi de la France, notre compagnie a souhaité investir la scène d’un spectacle théâtral à composante musicale et chantée qui puisse rappeler qu’elle fut la participation démocratique et héroïque des populations du Midi pour exprimer leur refus de la misère.

Le pièce donne un panorama du mouvement : de ses causes d’abord  (la misère, la fraude, la mévente, …) puis de ses conséquences parfois tragiques  (manifestations monstres, fusillades, mutineries de militaires, démissions des municipalités, …) et s’attache à évoquer le parcours des principaux protagonistes. L’intérêt porté aux hommes de la révolte nous amène dans la chair des personnages, dans leur courage, leur faiblesse, mais aussi dans leur contradiction et leur renoncement.

L’espace de jeu est fermé et entouré par une estrade à plusieurs niveaux en forme d’arène qui porte le chœur. Cette disposition met les comédiens, au contact direct de ce dernier. Accompagnés par deux musiciens (accordéon, mandoline, guitare, basse acoustique, percussions, …) les chants constituent des éléments importants de la narration dont les paroles d’époque sont interprétées sur des musiques composées par nos soins.  Cette disposition donne à ce spectacle la dimension de la tragédie grecque, le chœur agissant sur le jeu comme un soutien de l’émotion.
Les 5 comédiens endossent les rôles tantôt de narrateurs s’adressant directement au public, tantôt de personnages en situation : Ferroul et des maires de son arrondissement, la rencontre entre Albert et Ferroul, Clémenceau et Albert, … Les changements de rôle se font à vue.

Création

Créé en juillet 2007 dans le Var, ce spectacle a déjà été joué près d’une quarantaine de fois et notamment en collaboration avec la Fédération des Caves Coopératives du Var. Souvent donnée en plein air, la pièce a déjà pu rassembler 6000 spectateurs.

Soutenue par le Conseil Général et La Région Paca. En coproduction avec  » Le Chantier  » de Correns (Centre de création pour les nouvelles musiques traditionnelles), les communes du Luc, de Montfort, de Néoules. Avec l’aide de l’Espace Comédia à Toulon, des communes de Correns, la Valette, de la CCAS secteur côte varoise.

Texte, scénographie et mise en scène : Philippe Chuyen
Avec : Alain Aparis, J.P Deseure, Philippe Chuyen, Thierry Paul, Jean-Louis Todisco, Franck Vidalosa, Philippe Xiberras et Vanessa Pont
Musique : Jean-Louis Todisco et J.P Deseure
Chef de chœur  : Jean Marotta
Décor : Jacques Badeau
Costumes : Isabelle Denis

Introduction et historique

 “L’événement qui se développe là-bas et qui n’a pas épuisé ses conséquences, est un des plus grands événements sociaux qui se soient produits depuis trente-cinq ans. On a pu d’abord n’y pas prendre garde ; c’était le Midi et il y a une légende du Midi. On s’imagine que c’est le pays des paroles vaines. On oublie que ce Midi a une longue histoire, sérieuse, passionnée et tragique.“
Jean Jaurès, 29 juin 1907

En ce début de 20e siècle, on a dans le Midi le sentiment que beaucoup de choses ne vont plus comme avant. La culture de la vigne jadis si prospère goûte peu à peu et inexorablement l’amertume de la pauvreté. Après avoir combattu toutes sortes de calamités – la grande épidémie de Phylloxéra entre 1875 et 1890 a ravagé les trois quarts des plantations – de s’être maintes fois relevés, on se trouve devant la persistante mévente du vin, impuissants et démunis.

Pourtant un homme, Marcelin Albert simple paysan de l’Aude, ne s’avoue pas vaincu. Ce touche-à-tout qui est aussi cafetier et directeur d’une troupe de théâtre, s’émeut de la misère qui grandit. Alors qu’on le traite de fou, il va pendant près de 7 ans, avec l’obstination d’un engagement quasi mystique, réussir à émouvoir les gens, soulever les foules et devenir le chef de file d’un fantastique mouvement.

Ainsi le 9 juin 1907, après plusieurs semaines de meetings rassemblant des masses considérables et toujours plus nombreuses, une marée humaine de 800 000 manifestants envahie les rues de Montpellier. Au même instant, 8000 personnes défilent à Brignoles. Le Var, où la révolte est partie de Néoules, est en effet le seul département hors du Languedoc à s’être fédéré au mouvement.

Quelques jours plus tard le mouvement se durcit. Près de 500 conseils municipaux démissionnent, la grève de l’impôt est décrétée, un bataillon se mutine à Béziers et fait naître la légende du 17e de ligne « les soldats de la crosse en l’air »… Les autorités débordées, la troupe tire dans la foule et assassine des innocents.

Le gouvernement de Clemenceau vacille. Ce soulèvement sans précédent, le plus grand évènement social que la France est connue avant la première guerre mondiale, dernière grande irruption populaire régionale de l’Histoire de France, va exposer le Midi en tant qu’entité territoriale marquant sa différence. Sur le plan social, ces évènements vont lancer le mouvement coopératif et modifier durablement l’organisation de la viticulture.

Les protagonistes

Marcelin Albert

Né en 1851 à Argeliers et mort en 1921. Cafetier et vigneron considéré comme le meneur de la révolte des vignerons. En 1900, il se lance dans la lutte pour la défense du vin naturel contre le vin de fraude, contre la restriction des droits des bouilleurs de cru tout d’abord, contre la détaxe sur le sucre par la suite.

Discrédité par Georges Clemenceau, il est emprisonné et manque d’être lynché à sa sortie de prison. Il meurt dans la misère et l’oubli. Surnommé « lou Cigal  » par Ferroul (parce qu’il haranguait la foule depuis un platane), il est aujourd’hui considéré comme un héros du syndicalisme viticole.

Ernest Ferroul

Le docteur Ernest Ferroul (1853,1921) félibre rouge, maire socialiste de Narbonne est un « tribun au verbe puissant et dominateur… ». Sceptique au début, il devient « le lieutenant » d’Albert, puis le véritable chef de la révolte des vignerons. Il donne une dimension politique au mouvement viticole qu’il entraine dans une désobéissance civique par la grève de l’impôt et la démission des mairies.

Georges Clémenceau

Il accède le 25 octobre 1906 à la présidence du Conseil. Ses années à la tête du ministère de l’Intérieur et de la Présidence du Conseil se caractérisent par une importante réforme des polices et par une politique vigoureuse à l’égard des syndicats et des grévistes. Clemenceau se brouille durablement avec les socialistes, et particulièrement avec leur chef, Jean Jaurès.

Il s’illustre par sa férocité, à la fois contre le personnel politique et contre les mouvements sociaux, réprimant dans le sang la grève des mineurs du Pas-de-Calais et la révolte des vignerons du Languedoc, ou quand il fait répandre par la presse le bruit qu’il a payé le billet de retour du « meneur » Marcelin Albert afin de le déconsidérer, ce qui lui vaudra le surnom de briseur de grèves